16/05/2021
Nil bleu

Le barrage de la Renaissance toujours en butte aux hostilités

Guerre de l’eau ou plutôt de l'électricité… Les jours passent et se ressemblent dans le bras de fer qui oppose depuis des années l'Éthiopie, l'Égypte et le Soudan autour du barrage de la Renaissance, érigé sur le Nil par l'Éthiopie contre l'avis de ses deux voisins. Les dernières rencontres organisées à Kinshasa, en République démocratique du Congo, sous l'égide du président en exercice de l'Union africaine, Félix Tshisekedi, entre les émissaires dépêchés par Addis-Abeba, le Caire et Khartoum l'ont montré une fois de plus : le bout du tunnel n'est pas pour bientôt.

Au-delà des données techniques qui renvoient globalement au volume des eaux générées par ce fleuve et leur partage par les pays qu'il arrose, ce sont les déclarations entendues ces jours qui inquiètent. "Si chez l'éléphant récolter un fagot de bois est prohibé, chez l'hippopotame il est interdit de puiser de l'eau" : la sagesse africaine dépeint la guerre des nerfs entre des interlocuteurs qui se défient mutuellement. Va-t-on vers un conflit majeur entre les trois pays ? "Personne ne peut se permettre de prendre une goutte d'eau de l'Égypte, sinon la région connaîtra une instabilité inimaginable", menaçait il y a peu le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, précisant que "personne ne doit s'imaginer qu'il [le barrage] est loin de la portée de l'Égypte". Pour les experts, c’est une allusion non voilée à l'option militaire. De son côté, la ministre soudanaise des Affaires étrangères, Mariam Al Mansoura Elsadig Almahdi, qui représentait son pays à la rencontre de Kinshasa a estimé que par ce barrage l'Éthiopie "menace les peuples du bassin du Nil, et le Soudan directement". Un peu acculés, mais déterminés à mener leur projet jusqu'à son terme, les Éthiopiens tentent d'apaiser leurs protagonistes : "Ce que je veux est que nos frères comprennent que nous ne voulons pas vivre dans les ténèbres. Nous avons besoin d'une ampoule", déclarait encore récemment le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed.

Les discussions de Kinshasa entre les trois pays ont échoué dans un moment assez particulier, alors que l'Éthiopie promet de respecter l'échéance de juillet prochain, date à laquelle le pays procédera au remplissage du deuxième réservoir du barrage après que le premier l'ait été en août 2020. Pour le temps qui reste, l'espoir réside dans la convocation d'autres rounds de discussions avec la bénédiction de la communauté internationale et africaine, même si les efforts successivement consentis par l'Union européenne, les Nations unies, les États-Unis et maintenant l'Union africaine sont pour l’heure restés vains.

Gankama N'Siah, Les Dépêches de Brazzaville (Brazzaville) – AllAfrica